Faut-il planter des arbres pour sauver la planète ?
Nous avons visionné avec attention le documentaire « Planter à tout prix » diffusé sur ARTE — et nous l’avons trouvé très à propos. Parce qu’il met en lumière une vérité moins intuitive qu’elle n’y paraît : planter des arbres n’est pas toujours synonyme de protéger la planète.
Nous vous recommandons vivement de le regarder. Voici ce qu’il faut en retenir :
En France, par ex, d’après le rapport de l’association Canopée “Le bilan caché du plan de relance forestier”, 87% des arbres replantés dans le cadre du plan Macron “1 milliard d’arbres en 10 ans” l’ont été sur des zones ayant fait l’objet… de coupes rases. Autrement dit, on détruit des forêts bien vivantes pour en « recréer » artificiellement. Et bien souvent, ces replantations en monoculture n'ont rien de gestes écologiques.
Pourtant, il existe d’autres modèles qui marchent : la sylviculture douce, l’agroforesterie, la conservation. Mais planter, ça se voit. Et ce qui se voit, se finance.
🌍 À l’échelle mondiale, le constat est encore plus préoccupant. Des millions d’hectares de monocultures d’eucalyptus se sont répandus sur des terres autochtones. Ces plantations sont des déserts biologiques : sols appauvris, nappes phréatiques asséchées, biodiversité effondrée.
💸 Sans oublier les problématiques liées à la compensation carbone. Un système pensé pour être vertueux, sensé permettre aux entreprises de compenser les émissions qu’elles ne peuvent pas encore éviter, en finançant des projets de séquestration ou de préservation du carbone. Mais dans les faits, certaines entreprises achètent des crédits, plantent des arbres, et continuent comme avant. Pour que la compensation soit réelle, il faudrait que ces arbres vivent plusieurs centaines d’années. Or, certains crédits ne valent que pour 10ans… et les forêts plantées sont exploitées la 11ème année.
Résultat : du greenwashing, & un système sans régulation, dominé par des acteurs privés en concurrence. Merci à Alain Karsenty, membre de notre comité scientifique, pour l’éclairage sur ce sujet.
😠 Et le plus dur à entendre, ce sont les drames humains derrière ces projets. Des paysans expulsés, des peuples autochtones dépossédés de leurs terres, interdits d’accès à des forêts qu’ils entretenaient et qui les nourrissaient depuis des générations. Tout cela au nom de « forêts compensatoires ».
Planter devient alors un alibi pour ne rien changer, une écologie d’apparence qui cache des injustices profondes.
Alors, faut-il arrêter de planter ? Non, évidemment. Mais il faut le faire autrement. Planter : les bonnes espèces, aux bons endroits, pour les bonnes raisons.
Et surtout, le plus important à retenir : soutenir celles et ceux qui protègent déjà les forêts existantes, qui sont la clé de l’équilibre planétaire. Ce sont les communautés autochtones, les gardiens du vivant, qui connaissent leurs écosystèmes mieux que quiconque et les gèrent avec une intelligence écologique que nos modèles occidentaux peinent encore à reconnaître.